Les foulards rouges by Frédéric H. Fajardie

Les foulards rouges by Frédéric H. Fajardie

Auteur:Frédéric H. Fajardie [Fajardie, Frédéric H.]
La langue: fra
Format: epub, mobi
Tags: Roman, Histoire
ISBN: 9782253153467
Éditeur: Le Livre de Poche
Publié: 2000-06-14T04:00:00+00:00


Le marquis Jehan d’Almaric demeurait perplexe.

Après trois années d’abstinence, son puissant maître changeait ses habitudes. Ainsi la tête de sa victime se trouvait épargnée, sans la moindre blessure, une expression de terreur absolue marquant ses traits.

Le marquis jeta un regard rapide à cette tête décollée du corps et posée en un joli panier d’osier. En revanche, il évita le cadavre écorché, semblable à ces serpents ou à ces lapins dont on retourne la peau.

Seul dans la pièce avec l’homme qui avait ôté son masque d’argent, le marquis le trouva vieilli.

Assis sous le manteau de la cheminée tel un paysan, le très haut seigneur, indifférent à l’horrible cadavre tout proche, lampait un plat pauvre de campagne, une soupe au pain mitonnée en du jus de viande, mordant parfois en une fougasse cuite sous la cendre, toutes choses que la femme borgne destinait à son repas mais fut flattée d’offrir à « monseigneur » dès que celui-ci, sa sinistre besogne achevée, manifesta quelque appétit.

Jehan d’Almaric demeura fasciné, ne pouvant s’imaginer qu’il s’agissait là d’un homme de si haut lignage. L’inquiétude le gagnait tandis qu’il pensait : « Est-ce là celui que je sers ? Est-ce le cruel et puissant chef qui pourrait gouverner le royaume si quelques décès bienvenus lui offraient cette chance ? Mais qu’est-ce donc, ce paysan sans manières qui lampe sa soupe comme un porc, le dos arrondi ? S’il n’était une des plus grandes fortunes du royaume, que sa cupidité alimente ainsi que les ruisseaux le font d’une rivière, je ne resterais point ! »

L’Écorcheur grogna :

— Trop près de la cheminée, voilà que c’est brûlant. S’en éloigne-t-on, on gèle !

Le marquis s’approcha.

— Il fait froid comme en décembre, monseigneur. Et il va neiger de nouveau.

— Je sais, mon âme est glacée.

— Je pensais au corps, monseigneur.

— D’Almaric, séparez-vous le corps en tant qu’il est la vie même de l’âme que l’on entend comme lieu des sentiments ?

— Je ne les sépare point, monseigneur. Le problème est plutôt de savoir comment ils sont en dépendance l’un de l’autre, et en quel ordre.

— La question est intéressante mais moins que cette autre : où vont nos pauvres âmes quand la mort vient ?

— Elles sont immortelles, monseigneur.

L’Écorcheur secoua la tête en riant.

— C’est plaisant que vous soyez en telle certitude, voilà qui me réconforte, marquis. Et d’où le tenez-vous ?

— Mais de Platon, Monseigneur.

L’Écorcheur demeura longtemps songeur.

Au bout d’un moment, d’Almaric toussota avec politesse et demanda :

— Que fera-t-on du corps, cette fois ?

— Nous rapportons cette jolie tête, que je la puisse conserver en liquide bienfaisant et la contempler avant que de m’endormir, car ainsi en sera-t-il à présent. Quant au corps, faites-le déposer aux marches d’une église. Que cette charmante et amusante baronne, qui m’a donné bien du plaisir, ne soit pas sans le secours de la religion même si vous m’avez garanti la survie de l’âme.

— Doit-on brûler le cadavre ?

— Non point, marquis. Un corps sans tête et écorché n’a plus de nom et n’en trouvera jamais.



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